Deux disciplines
Le Yoga et le bouddhisme sont trop souvent perçus comme étant identiques. C’est une erreur. La méditation bouddhiste ne peut remplacer la méditation du Yoga et inversement. Chacune de ces deux disciplines a un objectif propre et une philosophie propre. Le bouddhisme, en fait, est né sur le terreau en crise de la société védique d’où provient le Yoga.
Contexte sociétal de la Naissance du Yoga et du Bouddhisme
On le sait peu, mais les bouddhistes sont les premiers anarchistes de l’histoire. Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer un profil anarchique, derrière le crâne rasé et la robe orange d’un moine méditant devant un grand bouddha tant ils portent, il est vrai, une belle spiritualité remplie d’ordre et de calme.
Mais la société védique dans laquelle naquit le Yoga et le Bouddhisme a vécu une crise importante. La spiritualité était réservée au brahmanes et ils se faisaient payer cher pour faire accéder les couples - et oui, il fallait être en couple - aux initiations. Les textes védiques étaient compliqués et réservés aux élites. La société a donc vécu une crise et la spiritualité s’est démocratisée.
Racines et accès à la spiritualité
Le Bouddhisme et le Yoga prennent tous les deux racines sur cette crise mais dans des directions complètement différentes. Le Yoga reprend le les fondements de cette société. Chacun devient théoriquement capable d’accéder à la spiritualité à condition de pratiquer avec un professeur. Le but du Yoga est de se connecter à sa divinité intérieure ou à sa lumière intérieure. Sur le chemin de cette connexion, le Yoga permet de se relier à la nature, aux éléments, à son corps, à sa respiration, à son mental, etc. Vous l'avez compris, le but du Yoga de pouvoir se relier à la vie de la meilleur manière possible jusqu’à se relier à sa plus haute lumière intérieure.
Les hommes ont tout en eux. Ils ont le feu sacrificiel de la société védique qui est le feu digestif, ils ont le divin et la conscience individuelle est dans leur coeur. Le Yoga a permis au hommes et aux femmes de continuer à vivre la spiritualité et à honorer le divin et le vivant dans leur coeur. Mais ceci d'une manière beaucoup plus accessible.
Le bouddhisme est allé plus loin puisqu’il s’est complètement désolidariser de la société traditionnelle. Il a rejeté les castes, les discriminations et l’élitisme en se séparant complètement de celle-ci. La spiritualité bouddhiste, au départ, n’a par ailleurs pas vocation à se vivre au sein de la cité. Le Bouddha, mot qui provient de la racine sanskrite BUDH, et qui signifie l’éveillé, a beaucoup pratiqué le Yoga et d’autres types d’ascèse comme le jeûne extrême etc. Mais c’est en méditant sur le vide, sous un arbre, qu’il a trouvé l’éveil, et ceci après avoir pris ses distances avec les techniques de méditation du Yoga. Les monastères sont des lieux à part et celui qui veut s’engager sur la plus haute spiritualité doit se désolidariser de la société.
La philosophie bouddhiste
Pour se distancier, le Bouddha a inventé une autre philosophie. Le divin est remplacé par le vide, et la conscience qui normalement préside à la vie humaine dans le Yoga devient une forme de contingence du mental, c’est, disons, plus ou moins un accident. Plus de divin, de conscience ou de lumière, une seule réalité, celle du vide qui persiste derrière le changement constant de la matière. Le monde n’est plus qu’un phénomène et il n’existe plus que la réalité de l’instant. Le but étant de réaliser pleinement le vide au-delà des phénomènes momentanés et transitoires.
Cette philosophie a des conséquences importantes sur la pratique. Là où, la tradition védique prônait le fait de se relier -Yoga en sanskrit- au vivant et au divin, le bouddhisme médite pour trouver le vide. La méditation védique est un moyen pour se reconnecter au monde extérieur et la méditation bouddhiste est un moyen de se rendre compte de l’aspect transitoire de la vie.
Méditations
Les mantra utilisés dans le Yoga sont extrêmement anciens et proviennent des vedas, une des plus ancienne spiritualité préhistorique connue au monde, là où le bouddhisme utilise les mantra pour changer le mental, garder une forme d’attention dans la méditation et, ils ont été souvent soit réinventés ou empruntés de la culture dans laquelle les différentes branches du bouddhisme se sont répandues. Ils ne proviennent donc pas des veda, il y a une cassure profonde entre le bouddhisme et la société védique alors que le Yoga continue et achève la spiritualité védique.
La méditation bouddhisme s’inspire donc au premier plan de la méditation du Yoga tout en ne prenant que la partie qui l’intéresse et en l’adaptant aux circonstances. La partie sacrée est complètement laissée de côté. Cette simplification a rendue cette philosophie plus accessible, ce qui était, rappelons-nous, le but du Bouddha. La méditation du Yoga, plus sacrée, plus complexe, demande un très grand engagement de la part du pratiquant pour en saisir le suc : apprentissage des mantra, des gestes sacrés, de la visualisation, des textes à chanter, placement de la respiration, la proximité avec un enseignant qualifié etc. Elle implique une grande transformation émotionnelle et spirituelle avant de pouvoir y accéder pleinement.
La méditation du Yoga est toujours vivante aujourd’hui, bien que peu présente. La plupart du temps, les pratiquants d'ailleurs la confondent avec la pratique de la méditation zen. L’aspect plus simple de cette dernière lui a permis de se répandre dans le monde entier et de se confondre avec l’idée même de méditation. De ce point de vue, c’est un succès.
Revenir à la méditation d'origine
Bien qu’ayant un respect infini pour le bouddhisme et pour ce qu’il a apporté à l’humanité, je m’interroge. Pourquoi ne pas revenir à la méditation d’origine, celle du Yoga, dans son aspect le plus traditionnel ? Ce type de méditation est encore vivant dans l’école traditionnelle du Viniyoga aujourd'hui.
Le chemin sur cette voie est une magnifique chemin de pratique et de purification. La pratique des postures, des mantra, les visualisations en constitue un pré-requis et cela prend du temps. Mais cela vaut la peine de se reconnecter avec le monde de la manière dont le Yoga le présente.
Je vous souhaite un beau chemin quoique vous choisissiez.
Namaste,
Philip RIGO