Placer son corps dans la posture


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Partons d’une question que j’ai entendue très souvent : 


« Dois-je mettre mon bassin en antéversion avant de faire une flexion vers l’avant ? » 


Tout d’abord, et en toute honnêteté, il m’a fallu longtemps pour comprendre cette question. Je l’ai souvent entendue de la part d’étudiants débutants chez Mitra et il m’a fallu beaucoup de méditation pour comprendre ce qui clochait là derrière et donc, pouvoir mieux y répondre.  Vraiment, j’ai l’impression de parler une autre langue lorsque j’entends ce type de questions. Chaque question porte de l’implicite et il est intéressant de dérouler ce que porte cette question. Procédons par point. 

  1. La posture physique du Yoga n’est pas comprise. Pourquoi garder le bassin dans une telle position quand l’objectif de la posture est de placer le bassin dans le sens opposé ? Personnellement, je ne comprends pas comment faire cette posture lorsque l’on retient la position du bassin vers l’arrière. C’est, en fait, ne pas comprendre que la condition sine qua non d’une flexion est de basculer le bassin… vers l’avant ! 

  2. La description de la posture se fait dans des termes anatomiques kinésithérapeutiques. Les kinés ont influencé la perception du Yoga en Occident. De très nombreuses postures ont été adaptées sous l’influence d’exercices de kiné. Cela en dit beaucoup sur la perception du Yoga. Le Yoga est plus que de simples exercices physiques pour le dos ! Des kinés, aujourd’hui, on compris cela et ont a cœur d’étudier le Yoga en profondeur. Cela les aide dans leur approche. 

  3. La respiration n’est pas comprise, c’est courant. Il y a de très nombreuses raisons pour lesquelles on débute l’inspiration par le haut de la cage thoracique et on débute l’expiration par le bas du ventre. Cette expiration aide à la flexion. En respirant comme cela, il se passe deux choses. Tout d’abord, nous sommes concentrés sur la respiration et le mouvement, impossible de se concentrer sur le bas du dos en antéversion. Ensuite, la colonne va s’allonger en s’appuyant sur le bas du dos, et cela peut donner l’impression que le bassin est en antéversion ce qui n’est pas le cas du tout ! Il suffit de suivre la respiration. 

  4. Donner des consignes contradictoires au corps est dangereux. Il n’est pas anodin, dans ce contexte, de développer des douleurs dans le bas du dos, dans les genoux, les jambes, etc. Récemment, j’ai entendu quelques histoires de la sorte. 

  5. Ce type de consignes n'est pas rare dans le monde du Yoga. J’entends souvent des phrases d’un style pseudo-scientifiques  : "l’extérieur des deux pieds doivent être parallèle entre-eux". Ce qui a pour effet de rentrer les pieds vers l’intérieur, ce qui n’est pas du tout bon pour le plancher pelvien en cas de flexion. 

  6. Ce type de phrase ignore le fait que le corps s’adapte lorsque l’on fait du Yoga. Nous n’attendons jamais, et surtout pas pour des débutants, une posture parfaite. Le corps s’installe dans la posture avec le temps. Je vois bien que les élèves qui pratiquent chez eux en suivant les consignes que je leur donne comprennent et approfondissent les postures d’eux-mêmes sans avoir besoin de se prendre la tête avec du jargon technique.

  7. L’utilisation d’un tel jargon montre que le Yoga n’est pas compris. Les consignes doivent êtres simples. Il ne faut pas être prof de gym pour guider une séance de Yoga. Par contre, il faut assez d’expérience pour comprendre quels exercices donner et quels effets cela peut amener. 

  8. C’est le souci que j’observe dans beaucoup de centre de Yoga : on fait semblant de savoir en enseignant. Ou bien, on y croit vraiment car on apprend avec quelqu’un qui fait semblant de savoir. Ici, on ne peut pas dire que Internet ait beaucoup aidé la compréhension du Yoga. C’est un faux langage ésotérique permettant de faire croire à un élève que le prof y connaît quelque chose. 


Comment éviter ce genre de problèmes ? 

La respiration

Tout d’abord, en comprenant la respiration, 95% de ces questionnements pseudo-techniques disparaissent. Compliquer les choses pour le plaisir est le signe que la respiration n’est pas comprise ni l’intériorisation dans la postures. Dans nos formations, je passe la première année à mettre en place ces bases pour que tout le groupe comprenne bien la synchronisation de la respiration et du mouvement, l’intériorisation que cela procure et le voyage intérieur que le Yoga amène progressivement. 


Chaque corps est différent

Accepter que chaque corps se dépose autrement dans une posture tout en sachant où il est important qu’il travaille. Comprendre qu’il n’est pas grave que les jambes soient pliées, que les bras ne soient pas tendus tant que la respiration peut s’allonger. 


Le respect du corps

Apprendre le respect pour le corps. Ne pas le mettre dans une position dans laquelle il va se blesser. Apprendre aux pratiquants à respecter leur corps. Les sûtra parlent de prayatna-shaithilya pour parler d’un effort intelligent sans tension. Intelligent et sans tension sont des mots clés ici. 


L'esprit de la posture plutôt que la forme

Comprendre l’esprit de la posture. Comprendre quel est l’impact énergétique des postures et le rôle de la respiration sur l’énergie. Les postures ont un impact sur les cakra situés le long de la colonne. Si on y pense bien, la colonne contrôle toutes les parties du corps. Du coup, la position du bassin, des pieds, des jambes est moins importante que la position de la colonne. 


Il est temps d’inviter un Yoga plus traditionnel, plus simple et plus puissant dans nos vie. 


Philip RIGO 

www.mitra-yoga.be 


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Progresser dans le Yoga : au-delà du corps