🧘♂️ L’égo : faut-il vraiment s’en débarrasser ?
On pense souvent qu’en pratiquant le Yoga, on va finir par faire disparaître notre égo. Comme si l’égo était quelque chose de mauvais en soi, un obstacle à notre bonheur. L’idée qu’il faut "tuer l’égo" est largement répandue… mais est-ce vraiment ce que le Yoga enseigne?
En réalité, ce n’est ni totalement vrai, ni totalement faux. Le sujet est bien plus nuancé. Et pour mieux comprendre, prenons un exemple.
⚖️ Un égo équilibré : un besoin humain fondamental
Imagine un instant que tu n’aies plus du tout d’égo. Le facteur se trompe et glisse dans ta boîte aux lettres la facture de ton voisin. Sans égo, pourquoi ne pas la payer ? Après tout, lui ou toi, quelle différence ? De la même manière, pourquoi ne pas prêter ta voiture à n’importe qui ? Pourquoi te retourner quand on t’appelle par ton prénom ?
C’est ton égo – autrement dit, ton sentiment d'identité – qui te permet de fonctionner dans le monde. C’est ce lien avec ton corps, ton nom, ton rôle social qui donne du sens à tes actions. Sans égo, il n’y aurait plus d’implication, plus de lien, plus de motivation. L’égo nous est nécessaire pour construire une vie cohérente et engagée.
🚨 L’excès inverse : quand l’égo devient une prison
Mais à l’inverse, un égo trop présent peut nous enfermer. Quand je ne suis plus qu’un métier, un statut, un rôle... je me coupe de qui je suis vraiment. Je possède une voiture de sport, une belle maison, une "vie parfaite"... mais dès que ces éléments disparaissent ou vacillent, je perds pied.
Je cherche à compenser ce vide par des plaisirs, des distractions, des médicaments. Je m'identifie à ce que je possède ou à ce que je représente, et non à ce que je suis. Derrière cette façade brillante, il y a souvent beaucoup de souffrance.
🌀 Comprendre la vraie nature de l’égo selon le Yoga
Pour la tradition du Yoga – et notamment selon Patañjali – l’égo vient d’une confusion fondamentale : celle entre la conscience (le percevant) et le mental, le corps, les sens (les outils de perception).
Un exemple simple : si je me pince la main, ce n’est pas ma main qui "a mal" – c’est ma conscience qui perçoit la douleur à travers le corps. Sans conscience, il n’y a pas de perception. Un cadavre a des yeux, mais il ne voit rien.
Nous avons besoin du corps pour vivre et agir dans le monde. Mais nous ne sommes pas que ce corps. L’égo naît quand on oublie cette distinction.
😔 L’égo victime : un piège fréquent
On croit souvent que l’égo, c’est “se prendre pour quelqu’un”, vouloir dominer, se vanter. Mais l’égo peut aussi prendre une forme beaucoup plus subtile et négative : celle de la victime.
Je m’identifie à une blessure, un traumatisme. Je me répète que je ne vaux rien, que je ne suis plus capable, que je suis brisé. Je développe une identité basée sur la souffrance, en oubliant ma lumière intérieure. Je me réduis à mon passé.
C’est aussi une forme d’égo. Une forme qui peut être encore plus toxique que l’égo “classique”, car elle s’auto-alimente et m’empêche d’avancer.
🌿 Le Yoga : un chemin vers un égo conscient et souple
Le Yoga ne cherche pas à détruire l’égo, mais à l’éclairer. À le transformer. Pendant la pratique, on le met de côté. On plonge plus profondément en soi, on touche quelque chose de plus authentique, plus stable. Une part de nous qui ne dépend ni des blessures, ni des apparences.
Et ensuite ? On revient dans le monde, mais avec plus de conscience. On nourrit une identité plus souple, plus vivante. Un égo qui ne nous enferme pas, mais qui nous accompagne sur le chemin de notre dharma – notre mission de vie.
L’égo devient alors un outil. Un pont entre l’invisible et le concret. Il nous permet d’agir, de choisir, de donner du sens. Pas besoin de le rejeter : il suffit d’apprendre à vivre avec lui, en pleine conscience.
Philip Rigo