Comme un costume taillé sur mesure ✂️🧵🧘
Traditionnellement les cours de Yoga étaient uniquement pratiqués en cours individuel. Un proverbe sanskrit dit : "On étudie à deux, mais on pratique seul".
La pratique, comme le dit souvent le Dr. Kausthub Desikachar, la pratique doit être "taillée sur mesure comme un costume". Tout comme le couturier doit s’approcher au plus près de la personne pour qui il va dessiner un patron, le professeur de Yoga doit, de la même manière, s’approcher au plus près de l’élève pour lui dessiner une pratique.
Ceci n’est possible que dans le cadre d’un cours individuel dans lequel le professeur peut exercer un examen approfondi appelé parīkṣa en sanskrit. Cette approche est triple :
Observation de la personne
Tout d’abord, darśanam consiste en une observation de la personne : sa posture, son teint, sa respiration, sa taille, sa silhouette, le blanc des yeux, l’expression du visage, les ongles, la langue, etc. Cette observation est essentielle car elle permet de comprendre quel est le doṣa principal de la personne, comment sa silhouette est alignée, quel est le niveau de confiance de la personne, etc. Le nombre d’information à recueillir est énorme. Plus nous apprenons le Yoga Thérapeutique et plus nous avançons dans notre propre pratique à la fois personnelle et professionnelle, et plus nous pourrons observer de choses nous permettant de mieux cibler la pratique.
Quelques exemples d'observations
Voici quelques exemples que nous pouvons observer : si la couleur du blanc des yeux (sclérotique) est jaune, il y a un accès d’acidité dans le corps, éventuellement dû à de la colère. La forme des doigts fins et avec des articulations protubérantes va nous indiquer un constitution à tendance vāta. Si la personne est penchée en avant, une cyphose, cela peut indiquer un manque de connexion à soi, éventuellement un manque de vitalité. Si la personne a des cernes, en fonction de la couleur et de la forme de celles-ci, cela peut indiquer un problème de peur ou de colère ou bien un mix des deux.
Toutes ces observations ont pour vocation à être affirmées ou infirmées dans la suite du dialogue.
Prise du pouls
Ensuite, sparśa, "toucher", est la deuxième phase d’examen. La science de la prise du pouls ayurvédique en constitue le point central. Le nombre d’informations disponibles par un praticien aguerri est extraordinaire. Le niveau d’énergie de la personne, le doṣa principal (vāta-pitta-kapha), la dominance de l’un ou de l’autre doṣa, la dominance d’une émotion comme la peur, l’anxiété, la colère ou bien encore la constipation, etc. En plus ce ceci, toucher, avec la permission de l’élève, l’endroit du corps qui pose problème.
Par exemple, toucher la nuque et les épaules pour sentir le niveau de tension musculaire. Toucher un oedème pour comprendre s’il est dû à un excès de pitta ou de kāpha, sentir la qualité de la peau d’une personne pour comprendre si vāta domine. Toutes ces observations nous permettent de comprendre ce que le corps exprime et de confirmer ou d’informer certaines des hypothèses faites en observant.
Dialogue
Enfin, le dialogue, praśna, est fort utile également pour mesurer le niveau de motivation de l’élève, le temps qu’il ou elle peut dédier à la pratique, la cohérence dans le discours. Le dialogue permet également d’écouter le ton de la voix, d’éventuelle hachures dans la manière de s’exprimer. C’est aussi un moment clé pour tisser une relation saine et sécurisée avec l’élève et de l’interroger sur ses souhaits par rapport à la pratique, son niveau d’auto-émancipation - par exemple est-elle capable de se prendre en charge, etc. Mais aussi, elle permet d’interroger sainement la personne sur certains traumas qu’elle a pu vivre, ou sur les causes de ses symptômes (style de vie, histoire personnelle, etc.).
Cette approche requiert une forme d’intimité respectueuse et de vulnérabilité mutuelle. En aucun cas, nous ne sommes dans la situation d’un sujet qui observe un objet. Cette relation est une ouverture mutuelle dans laquelle certaines choses peuvent être dites grâce à un sentiment de respect et de sécurité mutuel. Il n’est donc pas possible d’être dans un grand groupe pour recevoir une pratique sur mesure.
Sur base de l'examen, le professeur conçoit une séance pour son élève : la pratique est dessinée et expliquée en détails.
Ensuite, la personne réalise cette pratique chez elle tous les jours. Certaines pratiques sont conseillées plutôt le matin, d’autre plutôt le soir. La durée d’une pratique peut s'étendre de 10 minutes pour les débutants ou pour les personnes les plus occupées à une heure et demi environ pour les personnes les plus engagées dans le processus.
Une pratique personnalisée : des postures mais pas que...
Une pratique n’est pas composée uniquement de postures, mais aussi de respirations, de méditations, de visualisations, de mantra, de méditation, de chant à écouter, de repos. Bref une combinaison subtiles de différents outils permettant de toucher et d’atteindre au mieux la personne afin de l’aider à réaliser son potentiel et de sortir de la maladie.
Ecouter le message de la pratique
La personne doit sentir et observer son corps. Le fait de respirer et de se détendre dans la pratiquer va permettre à la personne de comprendre certains signaux que son corps lui envoie plus vite. Elle également réfléchir, en écoutant son corps, à la cause de ses problèmes. Il est probable qu’elle en tire toute seule des enseignants lui permettant de sortir des problèmes pour lesquels elle est venue. Elle doit, en réalité, écouter le message de la pratique. Parfois, on me dit sentir une grande fatigue après une pratique. Je réponds que c’est un excellent signe et qu’il faut absolument écouter ce message et se reposer. Chose trop rare à notre époque.
Suivi
Enfin, après avoir pratiqué durant quelques semaines ou quelques mois, la personne retourne chez sont professeur de Yoga ou chez son Yoga thérapeute pour aller plus loin dans ce processus magnifique de soin et de découverte de soi.
Philip Rigo
Yoga thérapeute