Il est où le bonheur, il est où ?

Il est partout le bonheur 

La première fois que je suis allé à une conférence de Yoga, je me souviens de mon étonnement lorsque l'orateur a défini le Yoga comme étant un chemin vers le bonheur. J'étais surpris, d'abord, que l'on puisse affirmer des choses de cette force avec autant de simplicité, mais j'étais d'autant plus étonné, en ma qualité d'étudiant en philosophie à l'époque, que le sens profond de ce bonheur yoguique m'échappait totalement. Aujourd'hui, presque 20 ans plus tard, lorsque j'écoute Christophe Maé joliment s'interroger sur le bonheur, je partage son inquiétude : « Il est où le bonheur, il est où ? ». En entendant cette ritournelle, le questionnement qui m'habitait alors revient avec force : « C'est quoi le bonheur, c'est quoi ? ». Il faut le dire, on n'a jamais autant entendu parler du bonheur que maintenant. Heureux, il faut l'être ! Le sens de la vie ? Le bonheur ! Si le bonheur est sans cesse proclamé, on aurait bien du mal à dire : « C'est cela le bonheur, c'est cela ! ». Et là réside toute l'ambiguïté de cette idéologie du bonheur. Alors, qu'est vraiment ce bonheur dont on nous parle tant ? 

Le piège 

Définir le bonheur est un piège. Pourquoi ? Nous créons alors une vision fermée sur la manière de vivre, le monde et l'homme. Or, nous avons tous un rapport au monde, des aspirations et des idéaux différents, bref nous sommes tous différents ! J'adore, par exemple, me promener dans une rue indienne, au milieu de la foule, du bruit, des odeurs, des klaxons, des vaches, des chèvres, etc. Mais ce moment de bonheur, pour moi, constitue la pire horreur pour mon voisin préférant, quant à lui, l’espace feutré d'une salle de cinéma. Le piège est bien là, en définissant le bonheur, j'y enferme des personnes, plein d'arrogance, je proclame : « Si, c'est ça, le bonheur, tu verras ! » Je trace à l'avance le chemin de la vie et restreins la liberté de penser de mes congénères. C'est la grande erreur de notre époque sur ce thème : le piège du diktat du bonheur. « Mon bonheur commence là où s'arrête celui de l'autre », pourrait-on résumer. Qu'en dit le Yoga ? 

Le bonheur en sanskrit.

En sanskrit, la langue du Yoga, bonheur se dit sukha, et malheur, duḥkha. Les préfixes su- et duḥ-, respectivement « bon » et « mal », accolés à kha, « espace », se traduisent tout simplement par «bon espace», pour l’un, et par «mauvais espace», pour l’autre. Pourquoi l’espace ? C’est, en fait, pour les anciens Yogis, l’espace du cœur, le quatrième cakra ou encore l'espace intérieur dans lequel se déroulent nos émotions intimes. Je suis en état de bonheur, en sukha, lorsque l'espace du cœur est ouvert et malheureux, en duḥkha, lorsque cet espace est fermé. Le fameux piège serait donc évité, le bonheur, dans cette très ancienne perspective est individuel ! Est-ce pour autant si simple ? Est-ce qu'en étant ouvert, je vivrais uniquement des émotions positives et, en étant fermé, uniquement des émotions négatives ? En évitant de tomber dans le piège du bonheur, ne nous enfermons-nous pas dans un autre ? 

 

Être toujours positif, du Yoga ? 

Un Yogi accompli passerait-il sa vie à n'avoir que des émotions positives ? Le Yoga nous rendrait-il autant étranger à nous-même que nous pourrions voir passer la rivière du temps en arborant constamment un sourire béat ? Ce Yoga étrange me paraît pourtant imprégner profondément l'esprit contemporain. Combien de fois n’ai-je pas entendu : « Tu fais du Yoga, tu dois être zen ! ». Cette phrase sibylline, dissimulant une volonté de contrôle, pour un mari, par exemple, d'avoir une femme soumise ou, pour un ami, d'avoir un compagnon docile, etc. Quels clichés ! La pratique du Yoga pousserait- elle à oublier notre propre nature et à accepter toutes les injustices ? Si oui, alors je ne veux plus entendre parler de Yoga ! 

Être ouvert à soi 

Que signifie alors l'espace du cœur dont nous parlions plus haut ? Contenant nos émotions profondes, en étant ouvert, il nous permet de les vivre sans jugement et de les exprimer sainement. Nous vivons connectés à notre Moi profond et vivons pleinement notre vie, ne laissant pas l'extérieur nous dicter nos sentiments : « Ne sois pas triste ! Ne ris pas ! Tiens-toi droit ! Sois zen ! ». A l'inverse, duḥkha est une fermeture de cet espace empêchant ce lien intime. Sans ce dernier, nous vivons une vie qui ne nous appartient pas, nous sommes étrangers à nous-même et laissons l'extérieur guider notre vie : « Deviens médecin ! Ne deviens pas artiste ! Fais ceci ! Ne fais pas ça » ! 

Être libre ! 

Le Yoga nous ramène à notre liberté en nous reliant à notre espace intime, le cœur, et donc, à nos aspirations personnelles profondes. Pratiqué quotidiennement, il nous aide à nous connecter intelligemment avec notre chemin à nous ainsi qu’à façonner notre vie telle une œuvre d'art. Et si certains conflits viennent se greffer sur ce beau chemin, et bien, tant pis ! 

Etre heureux, ce n'est donc pas uniquement vivre d'une manière confortable, toute rose, sans tristesse, être indifférent à tout et tout accepter avec le sourire. 

Non, le bonheur n'est pas un diktat !

Non, le bonheur n'est pas l'indifférence ! Le bonheur c'est vivre pleinement sa vie... à Soi ! 

Et, dans cette optique, le Yoga est un excellent moyen d'évolution. Et pour vous, il est où, le Bonheur, il est où ? 


Namaste,


Philip RIGO


 


 

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Poème pour sortir de la souffrance